Les chasseurs pris pour cible

Chasseur en tenue camouflage et gilet orange, tenant un fusil, debout
Chasseur en tenue camouflage et gilet orange, tenant un fusil, debout

Les chasseurs se disent agressés, aussi bien sur le terrain que sur les réseaux sociaux, par de plus en plus de citoyens. Ils ne comprennent pas qu'il y ait autant d'hostilité à leur égard.

 

Article du 29 décembre 2025

 

De plus en plus souvent, les chasseurs affirment être pris pour cible : insultes, critiques sur les réseaux sociaux, tensions avec les riverains, sentiment d’être devenus les “mal-aimés” de la société. Mais derrière cette plainte récurrente se cache une réalité plus profonde : un rejet croissant d’un loisir que beaucoup ne considèrent plus acceptable.

 

Les chasseurs, nouveaux “mal-aimés” de la société ?

 

Depuis plusieurs années, le discours est bien rodé. Les fédérations de chasse, certains représentants politiques et de nombreux chasseurs eux-mêmes dénoncent une montée de l’hostilité à leur égard. Ils parlent d’insultes, de stigmatisation, de campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux, et d’un climat devenu, selon eux, “irrespirable”.

 

À les entendre, les chasseurs seraient devenus le bouc émissaire d’une société en quête de coupables, comparables au fameux “loup mal-aimé” popularisé par une campagne publicitaire bien connue. Une profession de foi victimaire qui mérite pourtant d’être analysée avec rigueur.

 

Car si les chasseurs se sentent de plus en plus critiqués, ce rejet ne tombe pas du ciel.

 

Une population de plus en plus opposée aux battues et aux armes

 

L’un des principaux points de friction concerne la privation de l’espace public lors des périodes de chasse. Chemins forestiers interdits, sentiers bloqués, promeneurs refoulés, cyclistes contraints de rebrousser chemin : pour beaucoup de citoyens, il est devenu inacceptable de ne plus pouvoir circuler librement dans la nature, parfois pendant plusieurs mois par an, au profit d’un loisir armé.

 

À cela s’ajoute un sentiment d’insécurité bien réel. Accidents de chasse, tirs à proximité des habitations, projectiles retrouvés dans des jardins : même si tous les chasseurs ne sont pas irresponsables, le risque existe et il est vécu comme une contrainte imposée à une majorité non consentante.

 

Le plaisir de tuer, une ligne rouge pour la société

 

Une part croissante de la population ne tolère plus l’idée que des animaux soient tués non pas pour se nourrir, mais pour le simple acte de tuer. Les pratiques de lâchers de gibier, largement documentées, cristallisent cette incompréhension.

 

Relâcher faisans, canards ou autres animaux élevés en captivité, souvent incapables de survivre, uniquement pour être abattus quelques heures ou quelques jours plus tard, choque profondément. Pour beaucoup, il ne s’agit plus de régulation, ni de tradition, mais d’une mise à mort organisée, déconnectée de toute nécessité.

 

Ce point est central : ce que la société remet en question, ce n’est pas seulement la chasse, mais le rapport à la vie animale qu’elle incarne.

 

Réseaux sociaux : miroir d’un rejet sociétal

 

Les chasseurs dénoncent la violence des propos tenus en ligne. Insultes, caricatures, vidéos chocs, commentaires virulents : les réseaux sociaux amplifient effectivement les tensions. Mais ils ne les créent pas. Ils reflètent une évolution profonde des mentalités.

 

La cause animale progresse, les connaissances scientifiques sur la sensibilité animale se diffusent, et la tolérance envers la souffrance infligée “pour le loisir” recule. Dans ce contexte, la chasse devient un symbole, une tradition attaqué parfois de façon virulente par des personnes qui ne supportent pas d'assister à des exécutions d'animaux sans défense.

 

Ce rejet ne se limite pas aux critiques ou aux débats en ligne. Il repose aussi sur des faits concrets, observables et documentés : photos d'animaux exécutés en masse, vidéos de battues, statistiques de lâchers de faisans et canards colverts (AFSCA) ou témoignages de riverains qui subissent ces pratiques.

 

L’affaire du chien de chasse Ruben : quand la réalité rattrape le discours

 

L’actualité récente autour du chien de chasse Ruben a également marqué un tournant dans la perception de la chasse par une partie de l’opinion publique. Ce chien, utilisé pour la chasse, a été retrouvé dans un état qui laisse peu de place au doute : blessures visibles, négligence manifeste, absence de soins appropriés. Au-delà du cas individuel, cette affaire agit comme un révélateur. Car un chien, contrairement au gibier, est un animal auquel la population s’identifie immédiatement. Il vit souvent dans les foyers, partage le quotidien des familles, incarne la loyauté et la confiance. Voir un chien souffrir dans le cadre de pratiques de chasse touche profondément, bien plus que les chiffres ou les discours abstraits. Pour beaucoup de citoyens, Ruben devient le symbole d’un système où l’animal n’est qu’un outil, remplaçable, sacrifiable. Et ce constat alimente encore davantage le rejet d’une activité qui prétend aimer la nature tout en tolérant, voire en normalisant, la souffrance animale, y compris celle d’animaux dits “compagnons”.

 

Cette affaire ne reste pas un simple fait divers. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de prise de conscience citoyenne concernant les pratiques de la chasse et le bien-être animal. La pétition pour la démission du ministre wallon du Bien-être animal, Adrien Dolimont, qui a déjà récolté plus de 22.200 signatures, en est la preuve : une part importante de la population commence à exiger des mesures concrètes pour protéger les animaux et dénoncer les atrocités liées à certaines pratiques cynégétiques.

 

Déposer les armes pour sortir du conflit

 

Une réalité s’impose : si les chasseurs ne veulent plus être pris pour cible, il ne suffira pas de se dire incompris. Il faudra changer de posture. Continuer à défendre des pratiques rejetées par une majorité de citoyens ne peut qu’aggraver le conflit.

 

La solution est pourtant claire. Déposer les armes, renoncer à la violence, et rejoindre celles et ceux qui défendent la vie plutôt que la mort. Protéger les écosystèmes sans fusil. Préserver la biodiversité sans tuer pour le plaisir. Contribuer à la nature autrement qu’en la contrôlant par le sang.

 

Le respect ne se réclame pas : il se mérite. Tant que la chasse restera associée à la mort inutile, aux lâchers de gibier et à la privatisation de l’espace naturel, elle restera contestée. Et ce rejet ne fera que s’amplifier.

 

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