
L’affaire Ruben révèle les failles profondes de la protection animale et l’inefficacité du permis de détention en Belgique.
Article du 23 décembre 2025
L’affaire du chien de chasse Ruben a suscité une vague d’indignation bien au-delà de la province de Liège. Malgré un état de santé alarmant au moment de sa récupération et des éléments concordants de maltraitance, une décision administrative a imposé que l’animal soit restitué à son “propriétaire”.
Une décision qui, à elle seule, illustre les limites actuelles du système de protection animale en Belgique.
Un état de santé alarmant révélateur d’une négligence prolongée
Ruben avait été recueilli par la SRPA Liège après des signalements alarmants faits par des riverains. Amaigri de manière extrême, blessé, visiblement négligé, le chien présentait des signes clairs de privation prolongée. En quelques semaines de soins au refuge, il a repris du poids et retrouvé un comportement plus apaisé, démontrant que son état n’était ni accidentel ni inévitable, mais bien lié à ses conditions de détention antérieures. Un communiqué a notamment signalé :
Un chien ne perd pas un tiers de son poids en un mois sans un problème grave préexistant
De plus, le vétérinaire qui a examiné le chien de chasse Ruben, a déclaré :
Les cicatrices observées sur son corps semblaient dues à des bagarres répétées avec d’autres chiens, et non à des blessures liées au gibier comme l’affirme le propriétaire.
Une restitution ordonnée malgré les faits
Malgré ces constats, la SRPA a été légalement contrainte de restituer Ruben à son propriétaire, sur décision d'Adrien Dolimont, ministre wallon du Bien-être animal.
Pour les bénévoles et de nombreuses associations, cette décision a été vécue comme un désaveu du travail de protection animale et un message extrêmement préoccupant : la maltraitance constatée ne suffirait pas toujours à retirer durablement un animal à son détenteur.
Ce choix administratif a provoqué une mobilisation citoyenne importante, avec la présence de militants, de bénévoles et de forces de l’ordre devant le refuge le jour prévu pour la restitution. L’émotion était palpable, tant la situation paraissait absurde et injuste.
Un fait essentiel : le “propriétaire” ne s’est pas présenté
Un élément fondamental doit être clairement établi : le propriétaire de Ruben ne s’est finalement pas présenté pour récupérer le chien.
Les raisons exactes de cette absence ne peuvent être affirmées avec certitude. Toutefois, elle s’est produite dans un contexte de forte mobilisation et d’exposition médiatique, ce qui permet raisonnablement d’envisager que cette pression ait pu jouer un rôle dissuasif.
Quoi qu’il en soit, le résultat est sans équivoque : Ruben est resté au refuge.
Et il faut le dire sans détour : c’est une bonne chose pour l’animal.
Non pas parce que le système l’a protégé, mais parce que, cette fois-ci, l’absence du propriétaire a empêché une situation potentiellement dangereuse de se reproduire.
Cette réalité met en lumière un paradoxe troublant : le sort de Ruben n’a pas été garanti par la loi, mais par une non-application de fait de la décision.

Chiens de chasse : des animaux à part entière ou des sous-animaux du droit ?
Le cas Ruben n’est malheureusement pas isolé. Les chiens de chasse, tout comme le gibier, semblent trop souvent relégués dans une catégorie implicite d’animaux “fonctionnels”, dont la protection serait secondaire, conditionnelle ou négociable.
Lorsqu’un chien est considéré avant tout comme un outil, la frontière entre négligence, maltraitance et “usage normal” devient dangereusement floue. L’affaire Ruben illustre cette dérive : malgré des signaux clairs de souffrance, le lien de propriété a primé sur l’intérêt de l’animal.
Le permis de détention : un outil vidé de sa substance ?
Cette affaire relance inévitablement le débat sur le permis de détention. Présenté comme une avancée majeure pour le bien-être animal, il montre ici ses limites :
– aucune obligation démontrée de capacité réelle à s’occuper de l’animal,
– aucune évaluation comportementale sérieuse,
– aucune garantie que la restitution ne reproduira pas les mêmes abus.
Pire encore, une restitution peut être ordonnée sans que le propriétaire ne manifeste concrètement la volonté ou la responsabilité d’assumer à nouveau l’animal.
Des précédents existent déjà en Wallonie, où des animaux saisis pour maltraitance ont dû être rendus après des recours administratifs, parfois contre l’avis des refuges. Ces décisions créent une jurisprudence inquiétante et un sentiment d’impuissance chez les acteurs de terrain.
Une question de société, pas un cas isolé
L’affaire Ruben dépasse largement le sort d’un seul chien. Elle pose une question fondamentale : quelle valeur accorde-t-on réellement au bien-être animal lorsque le droit de propriété l’emporte sur la protection d’un être sensible ?
Aujourd’hui, Ruben est en sécurité, par chance, par contexte, par mobilisation. Mais demain ? Combien d’animaux n’auront pas cette “chance” ?
Tant que le système permettra de rendre des animaux maltraités à des détenteurs défaillants, le bien-être animal restera fragile, conditionnel et parfois… optionnel.
